En savoir plus sur la campagne « scruff-free » de l’ISFM

par le Dr Claire Laniesse

L’International Society of Feline Medecine (ISFM) et sa filiale caritative, l’International Cat Care, encouragent les professionnels vétérinaires à améliorer le bien-être des chats. Ces institutions lancent une nouvelle campagne visant à mettre fin à une technique de contention encore très utilisée en routine : la saisie du chat par la peau du cou.

Qu’est-ce que le scruffing, le PIBI, la clipnose ?

Le mot anglais « scruffing » n’a pas de véritable traduction française. Ce mot désigne la saisie de la peau du cou, sans distinction de la force qui est appliquée, ni de la possibilité de soulever le chat ou pas. On parle aussi de PIBI (en français inhibition comportementale par pinçage, ou clipnose) lorsqu’une faible pression est appliquée, et seulement sur la nuque. Dans la nature, ce comportement se retrouve seulement dans deux occasions. La première lorsque la chatte déplace ses chatons, âgés de quelques semaines seulement, en les saisissant juste derrière les oreilles, avec la gueule. En aucun cas ce n’est un comportement de punition. La seconde, lors de la saillie, quand le mâle immobilise la femelle pour l’accouplement. Les chats réceptifs à la clipnose semblent plus calmes, présentent une ventroflexion, avec la queue rabattue sous le corps, et ont une moindre réponse au stimulus tactile. Elle facilite donc la réalisation de procédures d’examen ou de soins mineurs par un vétérinaire seul.

Y a-t-il des études scientifiques sur le sujet ?

Oui mais elles sont peu nombreuses. Dans ces études, les investigateurs n’ont pas relevé de changement de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la température corporelle, ce qui les amène à la conclusion que le pinçage de la peau du cou ne serait pas douloureux. En outre, avec une utilisation délicate et rapide des pinces à clipnose il n’y a pas de nécrose cutanée. Cependant, il ressort de ces études que tous les chats ne sont pas sensibles à la clipnose. En effet, seuls 40 % d’entre eux environ seraient ostensiblement réceptifs. On estime qu’il n’y a pas de différence d’action selon l’état de santé du chat (malade ou pas). En outre, les chats de caractère calme répondent bien mieux que les chats agités. Les jeunes chats et les chatons sont plus réceptifs que les sujets adultes. De plus, l’efficacité semble être reproductible pour chaque individu. En revanche, une autre étude met en évidence que la saisie manuelle semble engendrer une augmentation de la fréquence cardiaque et du diamètre pupillaire, donc un stress plus important que l’utilisation d’une pince.

Et du point de vue éthique et de la relation client ?

A l’instar de l’ISFM, de plus en plus de vétérinaires et de comportementalistes n’utilisent pas la clipnose, et la rejettent même, car cela consiste à utiliser un réflexe physiologique, encore mal élucidé, plutôt que de coopérer avec le chat. D’autres vétérinaires utilisent cette méthode de contention après évaluation des bénéfices et des risques, en cas d’urgence, de risque de blessure pour le chat ou pour le soignant. L’ISFM appelle à ne pas utiliser systématiquement cette technique. Même si le chat est immobilisé, il n’est pas confortable pour autant. Parfois il peut même en devenir agressif. Cette technique est surtout efficace sur un chat calme : est-elle alors nécessaire ? Des techniques de distraction, d’anesthésie locale et l’usage d’une aiguille neuve systématique ne sont-elles pas alors suffisantes ?

Il est important de rappeler que les mesures préventives du stress sont à mettre en place pour éviter d’avoir recours à ces méthodes de contention : lors du transport, de l’attente, lors de la consultation. D’autres méthodes de manipulation sont tout aussi efficaces, et procurent une meilleure sécurité pour le personnel. Il faut plutôt donner au chat l’impression qu’il domine son environnement en le plaçant en hauteur et en le manipulant de manière douce. C’est le chat qui choisit sa position. De même l’usage d’une serviette pour cacher la vue du chat ou pour se protéger de ses pattes est à privilégier. Lorsque l’équipe vétérinaire s’engage à arrêter de saisir les chats par la peau du cou, elle peut le communiquer à ses clients, et de cette manière se positionner en amis des chats. En effet, les propriétaires de chat sont très sensibles à une technique de manipulation diminuant le stress de leur animal, et en seront donc satisfaits. Pour mieux communiquer sur ce point, l’ISFM met à disposition des posters à afficher en salle d’attente sur : https://icatcare.org/scruffing.

Bibliographie :

-Pinch-induced behavioral inhibition (« clipnosis ») in domestic cats : Pozza, Stella, Chappuis-Gagnon, O Wagner, Buffington, JFMS (2008) 10, 82-87

-Pinch-induced behavioural inhibition (clipthesia) as a restraint method for cats during veterinary examinations : preliminary results on cat susceptibility and welfare : Animal Welfare 2016,35 :115-123

-AAFP and ISFM Feline-Friendly Handling Guidelines, JFMS (2011) 13, 364-375

-Environmental methods used by veterinary centres to reduce stress of cats and dogs during practice visits, The veterinary nurse, February 2019, volume 10 n°1

GP-R-FR-NON-190900034