La prévention de la reproduction chez la chienne et la chatte : quelles stratégies en 2021 ?
Les chiens et les chats sont devenus, au fil des dernières décennies, de véritables membres de la famille, vivant au cœur du foyer et de moins en moins restreints à une vie exclusive « en extérieur ». Par conséquent, la santé et le bien-être de l’animal pour son propriétaire sont primordiaux, tout en préservant leur propre confort.
De nos jours, le propriétaire attend du vétérinaire, non seulement de soigner son animal en cas de maladies, mais aussi, dans la mesure du possible, de proposer des solutions afin de prévenir maladies et mal-être, et ce, dès l’acquisition de son compagnon. Le propriétaire souhaite être associé aux choix médicaux, particulièrement dans le champ de la prévention, et attend du vétérinaire qu’il justifie ses prescriptions non seulement en terme d’efficacité, mais aussi d’innocuité et, dans une moindre mesure, de coût et de facilité de réalisation.
Enfin, le vétérinaire a une mission sanitaire de protection des populations, qui l’oblige à œuvrer pour la prévention des maladies et nuisances de la collectivité. Dans ce contexte, la saturation des refuges animaliers (SPA, etc.) et la surpopulation de chats « errants » sont des problématiques sociétales dans lesquelles le vétérinaire praticien joue un rôle essentiel.
Ainsi, la maîtrise de la reproduction, ou, plus précisément, sa prévention, est un élément essentiel devant être évoqué dès la première consultation pédiatrique.
L’activité sexuelle d’une chatte, souvent ingérable
La puberté est acquise en moyenne quand une femelle atteint les deux tiers de son poids attendu à l’âge adulte, soit 5 à 7 mois pour une chatte, et, chez la chienne, selon la taille entre 5 et 12 mois.
Chez la chatte, la puberté se traduit par des modifications comportementales très marquées associées aux premières chaleurs :
- vocalises incessantes (y compris la nuit ! ),
- roulements, frottements contre le propriétaire,
- fugues en quête d’un mâle,
- marquage urinaire dans la maison (ou sur les murs ou les portes extérieures) de chats mâles étrangers,
- agression entre chats vivant en collectivité,
- et enfin, gestation dans quasiment tous les cas quand la chatte a accès à l’extérieur.
Les chaleurs pouvant être presque continues chez la chatte du printemps à l’automne, cette situation est souvent insupportable pour le propriétaire (particulièrement en appartement), et implique aussi qu’une chatte peut avoir jusqu’à 4 portées avant ses deux ans.
Mais les chaleurs peuvent aussi être à risque pour la santé de la chatte : gestation avant même la fin de sa croissance, contamination par des maladies transmissibles lors du coït (FIV notamment), accident de la voie publique, etc.
Les cycles de la chienne, un véritable casse-tête
Chez la chienne, les chaleurs s’accompagnent généralement :
- de pertes vulvaires hémorragiques abondantes et prolongées (de 5 jours à 3 semaines),
- d’un comportement libidineux (monte des propriétaires, objets inanimés ou autre chienne), voire agressif même envers les autres chiens du foyer.
Les mâles sont attirés et excités par une chienne en chaleur, ce qui peut entraîner évidemment des saillies « non souhaitées » et une gestation avant même la fin de sa croissance, mais aussi des conflits ou encore du marquage urinaire dans la maison par un mâle (très fréquent chez les Yorkshire terriers par exemple). Enfin, environ deux tiers des chiennes entières présentent des grossesses nerveuses (parfois accompagnées d’une lactation) à répétition, pouvant entraîner apathie, agressivité et comportement maternel (envers des objets inanimés, etc.).
L’activité hormonale à l’origine de maladies chez la chienne et la chatte
Les cycles sexuels, et la production d’hormones (stéroïdes sexuels) qui les sous-tendent favorisent des maladies du tractus génital, de plus en plus fréquentes au cours de la vie.
- Les tumeurs mammaires sont une affection très fréquente chez la chienne adulte vieillissante (50 % des chiennes, dont 50 % des tumeurs sont cancéreuses) et, dans une moindre mesure, chez la chatte (chez laquelle plus de 90 % des tumeurs mammaires sont cancéreuses). La majorité des tumeurs sont favorisées par les imprégnations répétées d’hormones sexuelles (stéroïdes produits par les ovaires à chaque cycle, ou de synthèses lors de prise de pilules contraceptives).
- Le pyomètre (infection grave de l’utérus pouvant entraîner une insuffisance rénale et une septicémie) est une affection commune chez la chienne et la chatte, causée principalement par une imprégnation en progestérone.
- Les tumeurs génitales (vaginales et utérines) sont presque toujours hormono-dépendantes et recensées uniquement chez des femelles non stérilisées.
- D’autres affections moins fréquentes, mais non moins invalidantes, sont aussi directement induites par les stéroïdes sexuels : ptose vaginale, mastose et fibro-adénomatose mammaire, acromégalie chez la chienne, diabète gestationnel, etc.
La contraception orale, apparemment simple et peu coûteuse, mais potentiellement néfaste
Les contraceptifs oraux disponibles (avec AMM vétérinaire) sont tous des progestatifs de synthèse (dérivés de la 17 hydroxyprogestérone) à forte action progestative.
Ces contraceptifs sont utilisés pour supprimer l’activité ovarienne cyclique, à l’origine des chaleurs, en inhibant la libération de gonadotropines (FSH, LH) produites par le cerveau. Mais des récepteurs à la progestérone sont aussi présents dans de très nombreux tissus, et les progestatifs ont une affinité pour ceux-ci très supérieure à la progestérone naturelle. Ainsi, la pilule, même utilisée aux doses recommandées par l’AMM, stimule l’utérus et peut favoriser différentes affections, parfois dès la première prise (particulièrement chez la chienne) :
- hyperplasie glandulo-kystique,
- mucomètre
- pyomètre.
Elle stimule aussi le développement du tissu mammaire, ce qui peut favoriser, lors d’un usage répété, les cancers mammaires, ou encore une mastose (hypertrophie spectaculaire et brutale des chaînes mammaires) parfois dès la première prise.
La proligestone (contraceptif injectable) était l’unique contraceptif ayant une AMM pour son utilisation chez des femelles destinées à la reproduction. En effet, son action progestative sur les tissus mammaires et utérins était moins marquée que celle des autres progestatifs (oraux et injectables). Ainsi, les effets secondaires indésirables, bien que possibles, étaient nettement plus rares, notamment chez la chatte, où cette méthode de contraception est restée longtemps utilisée dans les élevages. Toutefois, la proligestone, de moins en moins recommandée sur le long cours, n’est actuellement plus commercialisée, et d’autres alternatives sont préférées en élevage félin.
Enfin, les progestatifs entraînent généralement une prise de poids chez la chienne et chez la chatte, et dans une moindre mesure peuvent induire un diabète sucré.
La stérilisation chirurgicale de la chienne et de la chatte, la méthode de référence
Chez les carnivores domestiques, la castration chirurgicale présente de nombreux avantages, mais aussi quelques effets indésirables potentiels à connaître.
Le principal objectif de la castration est la prévention des cycles sexuels et des gestations non désirées. Mais la castration présente aussi d’autres bénéfices pour la santé !
La stérilisation permet de réduire très significativement le risque de tumeur mammaire. Moins la femelle aura de cycle œstral, plus le risque sera réduit. Chez la chienne, la stérilisation avant les trois premières chaleurs permet de réduire le risque respectivement de plus de 99 %, 92 % puis 74 %. Au-delà du 3e cycle, le risque ne semble plus diminué. Chez la chatte, la réduction du risque est particulièrement importante si celle-ci est stérilisée avant sa puberté (7 fois moins de risque qu’une chatte entière).
L’ablation des ovaires (sans besoin de retirer l’utérus) permet aussi de prévenir l’ensemble des tumeurs ovariennes, utérines et vaginales, si celle-ci est réalisée pendant la croissance ou chez la jeune adulte.
Le principal effet indésirable de la castration est la prise de poids, qui peut conduire à l’obésité. Cette prise de poids est essentiellement sous-tendue par une augmentation rapide de l’appétit et une absence de maîtrise des apports alimentaires quotidiens. Une alimentation maîtrisée, dès l’acquisition et adaptée au statut physiologique (en croissance, adulte, pour animal castré) permettent de prévenir ou, au moins, de limiter l’embonpoint. Le vétérinaire doit discuter des modalités de l’alimentation à chaque visite médicale, et particulièrement lors de la visite de pré-stérilisation et après l’intervention. De plus, des études récentes semblent montrer qu’une stérilisation précoce chez la chatte (avant 4 mois) permet de réduire significativement le risque d’obésité. Une des pistes explicatives est que la croissance rapide permet de lisser l’augmentation temporaire d’appétit.
Chez la chienne, un autre risque connu est celui de développer, dans les mois ou les années qui suivent l’intervention, une incontinence urinaire. Le risque (de moins de 5 à 8 % en moyenne) concerne essentiellement les chiennes de plus de 20 kg, et plus particulièrement certaines races (Boxer, Doberman, et dans une moindre mesure les retrievers). Les races de petite taille semblent quasiment préservées de cette complication.
Dans l’espèce canine, la castration avant la fin de la croissance osseuse semble favoriser certains troubles ostéo-articulaires (notamment la rupture du ligament croisé crânial) dans des races déjà prédisposées (décrit chez le Golden retriever). Ainsi, il peut être avisé d’attendre l’âge adulte avant de planifier une stérilisation, chez certaines races.
Enfin, de nombreuses publications ces dernières années débattent du risque d’augmentation de certains cancers (ostéosarcome, hémangiosarcome, etc.) après la stérilisation, chez certaines races de chiens (Rottweiler, Golden Retrievers, etc.).
Il n’existe à ce jour aucun consensus scientifique clair (en dehors du risque d’ostéosarcome chez la femelle Rottweiler stérilisée avant 3 ans). Par ailleurs, l’augmentation du risque relatif concerne pour la plupart des tumeurs à très faible prévalence au sein de la population canine.
Au final, des méta-analyses récentes confirment que la stérilisation permet d’augmenter l’espérance de vie moyenne des populations canines et félines, tandis que de nombreuses études démontrent la promotion de maladies invalidantes (diabète, obésité, pyomètre, etc.) par l’utilisation de contraceptifs oraux, particulièrement chez la chienne.
En conclusion, la stérilisation chirurgicale est un outil prophylactique majeur chez la chienne et la chatte, tant pour la prévention des affections génitales, que pour le confort des propriétaires et pour la maîtrise des populations (particulièrement dans l’espèce féline). Le moment de la castration doit être discuté à la faveur des premières consultations de médecine préventive, en adaptant celui-ci à l’espèce, à la race, mais aussi au mode de vie des animaux et des propriétaires.
GP- R-FR-DVC-201200002
Par le Dr. Vet. Xavier Levy
Spécialiste en Reproduction Animale (ECAR dipl.)
Ancien consultant en Uro-néphrologie (ENVA)
Past-président du GERES
Co-directeur scientifique du CRESAM (www.cresam.fr)
CRECS – Banque de Semence Canine Française vetrepro.fr / Facebook
Tel.: (0033) 562 071 540
Adresse : 58, Bd Poumadères 32600 l’Isle jourdain, France.
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