Interview : Dr Patrick GUERIN – DVM – Président OpenHealth Company

OpenHealth est une entreprise qui collecte des données de santé et les met à disposition des autorités de santé, des industriels, des chercheurs et du grand public.

Rencontre avec son Président, notre confrère Patrick Guérin.

Bonjour Patrick – avant toute chose, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Après mes études vétérinaires à Nantes, je deviens assistant au service des Maladies Contagieuses dans cette même école, où auprès du Professeur Ganière je travaille sur les zoonoses et les épizooties. En 1993, j’achète le laboratoire de abrication de médicaments vétérinaires de Centravet et en développe l’activité, notamment auprès de grands groupes comme Rhône Poulenc. Je revends le laboratoire en 2000 pour créer OpenHealth, que je dirige depuis lors.

En quoi consiste la mission et l’activité de OpenHealth ?

Notre mission consiste à créer de la valeur sanitaire et économique à travers l’analyse des données de santé. OpenHealth est une entreprise qui collecte et traite les données de santé. Nous sommes la seule entreprise au monde capable de recueillir en temps réel, chaque jour, les données de vente de médicaments provenant de plus de 11 000 officines pharmaceutiques. Nous collectons également depuis peu toutes les données provenant des prestataires de santé à domicile – nous venons d’obtenir pour ceci un feu vert de la CNIL, permettant d’effectuer des suivis longitudinaux. Le médicament est un marqueur très efficace et objectif de l’état sanitaire public. Le suivi en temps réel des prescriptions anonymisées nous permet d’établir des rapports et des cartes sanitaires que nous partageons avec de nombreuses parties prenantes, privées et publiques, notamment l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et la Haute Autorité de Santé. Nous travaillons également sur des données émanant d’autres pays d’Europe, notamment dans le cadre de notre travail de coordination du réseau mondial de la grippe saisonnière. Enfin, nous commençons à travailler sur des projets de collecte de données dans certains pays d’Afrique.

Votre matériau de base, c’est donc la fameuse donnée, au cœur de bien des discussions aujourd’hui. Comment cette donnée est-elle utilisée et sécurisée ?

Je voudrais d’abord rappeler que la donnée n’a de valeur que si elle est partagée et
valorisée. La donnée en soi n’a qu’un intérêt limité, c’est ce que l’on en fait
qui importe et rend service. Les données de santé que nous récoltons, qui ne se
limitent pas aux ventes et prescriptions mais incluent également des données de
morbidité ou de mortalité, sont agrégées dans des matrices d’extrapolation qui
permettent chaque jour d’être au plus juste de l’analyse, en tenant compte des
ouvertures et fermetures de pharmacies, des lancements ou arrêts de produits, des
nouveaux protocoles d’utilisation ou de nouvelles recommandations thérapeutiques.

La sécurisation est essentielle dans notre domaine d’activité, et elle doit passer par
la confiance : confiance d’abord dans la protection et l’anonymisation des données, et confiance dans les calculs qui suivent la collecte des données. La confiance dans ces calculs nait de leur transparence totale. Cette transparence dans la construction des chiffres et des analyses garantit notre pérennité.

Quelles sont les possibilités de développement en santé animale ?

Le développement en santé animale est une évidence pour OpenHealth, car les santés sont totalement liées entre elles, comme le montre l’engouement actuel pour la notion de One Health – Une Seule Santé. Les pathologies des animaux de rente ou de compagnie sont plus que signifiantes en santé humaine – la consommation d’antibiotiques liée à ces pathologies en est un exemple. Le partage des données est un enjeu qui concerne également le monde vétérinaire. Pour les vétérinaires et leurs éleveurs, la pratique ne peut progresser que par un accès aux données des autres, qui permettent de se comparer et s’améliorer. La donnée de santé, qu’elle soit humaine, animale ou environnementale, est un bien public à partager dans le parfait respect des réglementations et de la confidentialité, et qui engage notre responsabilité vis-àvis des patients et des autorités.

Comment l’entreprise OpenHealth se projette-t-elle dans l’avenir ?

Dans 10 ans, les circulations de maladies seront encore plus affranchies des barrières géographiques et d’espèces. On le voit avec la crise actuelle liée à Covid-19 : le partage des informations sera de plus en plus critique, et augmentera le besoin de comparaison pour prendre les bonnes décisions. Si la donnée a un sens, c’est bien celui de permettre d’objectiver la valeur sanitaire et économique apportée à la collectivité.

Merci beaucoup Patrick !

GP-R-FR-NON-201200033